AuteurLe problème à trois « cœurs »
Dieu a sagement agi en plaçant la naissance avant la mort ; sans cela, que saurait-on de la vie ?
"Alphonse Allais"

Le chiffre trois a longtemps été chargé de symbolisme profond et varié dans de nombreuses cultures à travers le monde. En psychanalyse, Freud identifie trois facettes de la psyché humaine : le ça, le moi et le surmoi. Dans la mythologie gréco-romaine, trois Moires, trois Gorgones, trois Furies, trois Parques etc. Platon parle de l’âme divisée en trois parties : la raison, la volonté et le désir. Le chiffre trois est également présent dans les arts, dans le théâtre : l’unité d’action, de temps et de lieu. En littérature, les contes populaires regorgent de trios et de triptyques, comme les trois petits cochons, les trois ours et Boucle d’Or ou les trois souhaits d’Aladin. En science, la matière existe sous trois états principaux : solide, liquide et gazeux. Et dans le sport : un, deux, trois, partez !… pour monter sur l’une des trois marches du podium. Trois dimensions, trois pyramides, trois mousquetaires, trois frères Karamazov.
Les religions monothéistes sont au nombre de trois. Dans la tradition chrétienne, par exemple, il symbolise la Sainte Trinité : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Dans la religion musulmane et juive, on tombe plus souvent sur le chiffre sept. Mais, n’oublions pas que le chiffre sept, retranché de un, devient un multiple de trois… (« trois » points de suspension pour signaler une idée saugrenue). Même dans notre vie quotidienne, le concept de début, milieu et fin reflète cette structure ternaire. Le chiffre trois semble donc être un fil conducteur universel, un symbole de l’ordre et de la complétude dans l’univers.
La dialectique part souvent de la confrontation de deux idées contradictoires pour arriver à une troisième voix, la vérité ou ce qui s’en rapproche le plus après compromis, concession et consensus. Le chiffre trois rythme également cette chronique : vous avez lu le début, là vous êtes au milieu, et fatalement suivra la fin en espérant que vous arriverez au bout de votre lecture.
Ainsi en va-t-il de la valse de l’existence : Naissance, vie, mort… Jour, soir, nuit… Enfant, adulte, vieillard… Passé, présent, futur… L’opinion aussi se divise en trois : je suis pour, je suis contre, je suis Suisse. La neutralité elle-même se divisant en trois : impartialité, indécision et indifférence. Bref, vous l’aurez compris, le chiffre trois est porteur de beaucoup de symboles et régis un grand nombre de nos actions et réflexions.
Et le cœur n’échappe pas à cette règle. Même s’il n’a que deux ventricules, deux oreillettes, il n’en aime pas moins de trois manières : amour filial, amitié et passion. Et, pour en arriver au titre de cette chronique, par le cœur un immigré habite trois pays : celui qu’il a laissé, celui dans lequel il vit et celui auquel il aspire.
L’expérience de l’immigré est souvent une odyssée, une traversée de frontières bien plus complexes que celles tracées sur les cartes. Le pays natal, avec ses souvenirs et ses traditions, demeure ancré dans l’âme, un lieu à la fois lointain et intime, une mélodie nostalgique qui résonne dans les moments de solitude et magnifiée à l’extrême. Le pays d’accueil, quant à lui, est le théâtre du quotidien, un espace de réalités nouvelles et de défis constants, où l’on tisse sa vie active, construit des relations et contribue à la société. Mais il y a aussi ce troisième pays, celui des rêves et des aspirations, un sanctuaire intérieur où l’on projette ses espoirs et dessine l’avenir que l’on souhaite.
C’est dans ce pays imaginaire que se forgent les ambitions et que se nourrit la volonté de surmonter les obstacles qui viennent d’un monde que l’on a trop connu, et d’un monde que l’on commence à peine à connaître. Ainsi, l’immigré vit dans un entre-deux permanent, un équilibre fragile entre ce qui a été, ce qui est, et ce qui pourrait être. Cette existence est une richesse inestimable, car elle permet une compréhension profonde de la diversité humaine et une capacité unique à s’adapter et à innover. Elle est aussi une source de tension, car elle implique un sentiment d’appartenance éclaté et la recherche constante d’une identité. En définitive, l’immigré, par son expérience, devient un pont entre les cultures, un messager et un exemple vivant de la beauté complexe de notre monde interconnecté.
Pour les Algériens vivant au Canada, essayons d’imaginer un pays qui serait un mélange des deux, qu’on appellerait Canadadalgérie par exemple (subtile allusion au titre de ce journal)…
Imaginez un pays où les vastes étendues enneigées du Canada rencontrent les chaudes dunes du Sahara. Où les froids océans atlantique et pacifique réservent une anse chaude pour accueillir la bleue Méditerranée. Ce pays hybride, fusionnant la diversité culturelle de l’Algérie avec la tranquillité et l’ordre du Canada, serait un lieu de contrastes saisissants, un lieu « où la vie afflue et s’agite sans cesse, comme l’air dans le ciel et la mer dans la mer. »
Les villes y seraient des mosaïques architecturales, combinant les styles berbère et mauresque avec les designs modernes et épurés. Les langues officielles seraient innombrables et diverses, créant un riche tissu linguistique. La cuisine serait un mélange délicieux de poutine et de couscous, de friandises au sirop d’érable et de galettes de dattes. Les forêts boréales abriteraient des dromadaires et des caribous, tandis que les oasis accueilleraient des érables et des épicéas. Les sports nationaux varieraient entre le hockey sur glace et le football, et les festivals célébreraient deux fois plus de fêtes, ce qui rendrait le travailleur deux fois plus heureux avec deux fois plus de jours fériés. Ce pays imaginaire serait un symbole de paix et d’unité, montrant que même les climats et cultures les plus divers peuvent coexister harmonieusement.
Mais, n’oublions pas d’être réalistes, même dans nos rêves les plus intimes. On doit attendre des autres mais aussi leur ramener de notre souffle de vie. On doit apprendre des autres mais aussi leur amener quelque chose de notre manière de vivre. Apprendre le pragmatisme mais enseigner à lâcher prise. Apprendre la société et enseigner la famille.
En définitive, reléguons aux oubliettes les trois singes de la sagesse qui ne voient rien, n’entendent pas davantage et ne pipent mot. Au contraire, voyons-nous, écoutons-nous, parlons-nous. De la compréhension nait la paix.
T.A.M.
Je lis ce que je n’ai pas l’habitude de lire. Tarik a grignoté dans la hiérarchie de la pensée critique. Il nous obnibule avec le chiffre 3 qui d’abord un nombre premier et infini toutefois ce qui est infini est toujours fascinant. La sagesse infinie mlne peut être enseigné que l’école du sage.