La séquence économique

Docteur en innovation et prospective, université Nice (France).L’humain au cœur de la maîtrise de l’avenir (5ème partie)

Dans la précédente contribution, Dr Amar Boukheddami, estime que la maîtrise de l’avenir, pour une entreprise ou une organisation, ne repose pas uniquement sur des stratégies ou des innovations technologiques. Elle est aussi, et surtout, le résultat des interactions entre les différents acteurs qui composent et influencent l’organisation. Chaque individu au sein de l’entreprise projette sa propre vision du futur, cherchant à influencer le cours des événements pour assurer sa prospérité ou sa survie.

La maîtrise de l’avenir renvoie directement à une dimension humaine fondamentale : le besoin de contrôle. Depuis toujours, l’être humain cherche à anticiper et à façonner l’avenir pour assurer sa survie et améliorer sa condition. Ce besoin s’est exprimé à travers les âges, depuis les prévisions agricoles dans les sociétés anciennes jusqu’à la gestion stratégique des entreprises contemporaines. Ce désir intrinsèque de sécurité et de prospérité est resté constant à travers les époques.

Dans le monde des affaires, ce besoin se traduit par la recherche d’avantages concurrentiels, la mise en place de stratégies robustes et la capacité à anticiper les disruptions. Les entreprises, tout comme les individus, cherchent à prévoir les risques, à comprendre les opportunités et à mettre en œuvre des actions garantissant leur pérennité.

Pour cela, l’entreprise moderne doit non seulement maîtriser les outils technologiques, mais aussi développer une compréhension fine des dynamiques humaines qui influencent son évolution. Les interactions entre individus, équipes, et partenaires économiques deviennent des leviers essentiels pour naviguer dans l’incertitude. Les dirigeants doivent reconnaître la valeur de l’intelligence collective, de la collaboration et de l’innovation afin de mieux répondre à un environnement incertain et complexe, c’est trois éléments sont portées par la ressource Humaine.

Ainsi, la maîtrise de l’avenir repose avant tout sur la gestion et la valorisation du potentiel humain, plutôt que sur les seuls outils technologiques ou les prévisions économiques. Dans un monde de plus en plus incertain et complexe, ce sont les dynamiques humaines qui jouent un rôle crucial dans la pérennité et la prospérité des entreprises.

Cette dynamique humaine est ambivalente, car l’humain dans l’entreprise est à la fois acteur et consommateur, direct ou indirect. C’est pourquoi il est essentiel de placer l’humain au centre des stratégies. La ressource humaine de l’entreprise joue un rôle déterminant dans la maîtrise de l’avenir. L’organisation de l’entreprise devient fonctionnelle grâce aux échanges et interactions entre les individus, équipes, et partenaires économiques, orientés vers la satisfaction des clients et un meilleur positionnement sur le marché.

Pour répondre à ces défis, la meilleure satisfaction des clients et le positionnement compétitif sont assurés par l’émergence de l’intelligence collective, une collaboration fluide et l’innovation continue. Face à des problématiques complexes, les dirigeants doivent donc non seulement reconnaître la valeur de l’intelligence collective, la collaboration et l’innovation, mais aussi les encourager activement au sein de leurs équipes.

Aujourd’hui, les entreprises se trouvent à un carrefour où l’intelligence collective, la coopération, l’agilité organisationnelle et l’innovation sont indispensables pour faire face à l’incertitude. Comme le souligne Jean-Pierre Letartre dans Le long terme comme horizon de Philippe Durance et Régine Monti : « La transition d’une entreprise de l’agilité à la fragilité dépend souvent de valeurs humaines telles que la loyauté, le courage et l’humilité. » Ce paradoxe montre que l’agilité, lorsqu’elle n’est pas bien maîtrisée, peut rendre une entreprise vulnérable si elle néglige ses dynamiques humaines internes.

De plus, si les dirigeants doivent reconnaître la valeur de l’intelligence collective, de la collaboration et de l’innovation, ils doivent également adopter des attitudes managériales qui permettent à cette intelligence collective d’émerger, à la collaboration de se fluidifier et à l’innovation d’être en continue. Cependant, l’intelligence collective ne doit pas être confondue avec la recherche du consensus à tout prix. Le consensus peut parfois étouffer l’innovation et affaiblir la prise de décision. Le manager doit, selon les mots d’Henri Ford, être un « magicien de la croissance » :

« Prenez-moi tout, mais laissez-moi les hommes, et je recommencerai tout ».

Le rôle du dirigeant et du manager est donc central dans cette dynamique. Par son style de leadership et ses attitudes, il peut soit renforcer l’appartenance et la loyauté des collaborateurs, soit fragiliser l’organisation. Un dirigeant efficace saura valoriser les compétences de ses collaborateurs et encourager l’émergence de leaders, tout en favorisant l’intelligence collective, la collaboration et l’innovation. Il ne doit pas dominer par son savoir ou son charisme, mais encourager la participation active, s’éloignant ainsi du modèle traditionnel du dirigeant omniscient.

Un bref rappel des rôles du manager et du dirigeant :

  • Manager : Responsable de la gestion quotidienne des équipes et des ressources, il se concentre sur la coordination des opérations, l’atteinte des objectifs à court terme et l’optimisation des processus. Il veille à la motivation des équipes, au suivi des performances et à la résolution des problèmes opérationnels.
  • Dirigeant : Centré sur la vision stratégique à long terme, il guide l’organisation vers ses objectifs futurs en inspirant et en motivant ses équipes. Il influence la culture de l’entreprise, favorise l’innovation et anticipe les changements pour assurer une croissance durable.

Ces deux rôles sont complémentaires : un bon dirigeant doit souvent maîtriser les compétences de gestion, tandis qu’un manager doit parfois faire preuve de leadership pour mieux encadrer et motiver ses équipes.

La maîtrise des dynamiques humaines commence donc par une gestion efficace des ressources humaines au sein de l’organisation. L’humain, porteur de savoir et de l’expérience de l’entreprise, est au cœur de cette dynamique. Si les managers échouent à cultiver un environnement fondé sur la loyauté, la collaboration, le sentiment d’appartenance, l’intelligence collective, l’agilité organisationnelle et l’innovation continue peut rapidement se transformer en fragilité. Il est donc impératif que les leaders développent les talents et compétences de leurs équipes, tout en favorisant l’émergence de futurs leaders, ce qui constitue un levier essentiel d’innovation et de développement durable.

L’avenir d’une entreprise ne repose plus uniquement sur ses stratégies ou prévisions, mais sur la manière dont elle valorise et gère son potentiel humain. C’est dans cette dynamique humaine, à la fois interne et externe, que réside l’une des clés pour maîtriser l’incertitude et assurer une prospérité durable. L’entreprise qui saura maîtriser l’avenir sera celle qui place l’humain au cœur de ses stratégies, en valorisant les compétences individuelles tout en favorisant des solutions collectives pour affronter les incertitudes à venir. L’avenir est façonné par les hommes et pour eux.

 

 

 

 

 

 

 

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