Sofiane BABA
Professeur agrégé de management stratégique Université de Sherbrooke. La stratégie et son importance pour le bon fonctionnement des organisations ( 2ème partie)

Dans la première partie de cette contribution, Sofiane Baba, professeur agrégé de management stratégique estime qu’une organisation sans stratégie est comme un marcheur sans destination, avançant sans but précis et s’épuisant à chaque pas.
À partir du milieu du 20e siècle, les entreprises privées ont pris une ampleur considérable. De nombreuses petites entreprises sont devenues de grandes organisations, rendant leur gestion plus difficile. Parallèlement, la société évoluait avec l’émergence de groupes de pression, des clients plus exigeants ainsi qu’un cadre législatif plus strict. La complexification des organisations et des environnements d’affaires a rendu nécessaire la formalisation du travail de planification stratégique. La stratégie est alors devenue une affaire collective, impliquant l’ensemble de la haute direction et des dirigeants au sens large. Pour assurer leur survie et leur développement, les entreprises s’engageaient dans des planifications stratégiques à long terme (5, 7 voire 10 ans), destinées à analyser les opportunités, anticiper les menaces et évaluer les ressources disponibles. C’est cet exercice formalisé qui déterminait la voie à suivre. Cependant, dans les années 1990 et au tournant du 21e siècle, la planification
stratégique traditionnelle a montré ses limites et d’importantes critiques ont été émises à son égard. Mintzberg parlait alors d’ascension et de chute de la planification stratégique. Les critiques reprochaient notamment à la planification stratégique traditionnelle sa rigidité et son postulat de base selon lequel le passé était un prédicteur fiable du futur.
Le mythe du contrôle, l’idée selon laquelle le sommet peut décider et imposer à la base, était aussi pointé du doigt. L’accélération de la numérisation et l’essor de la société de l’information ont accentué les critiques et précipité l’évolution de notre conception de ce qu’est la stratégie.
Face à des mutations sociétales et technologiques rapides, les modèles stratégiques rigides ont progressivement laissé place à une approche plus participative qui caractérise encore le 21 e siècle. Cette conception participative de la stratégie part du principe que la complexité des organisations, l’évolution rapide de leur environnement et l’imprédictibilité de celui-ci imposent une implication plus large et sérieuse des parties prenantes, de la base au sommet, de l’interne à l’externe. Loin d’être les seuls détenteurs du savoir stratégique, les dirigeants doivent composer avec l’intelligence collective pour éviter les biais liés à la pensée de groupe et à l’enfermement cognitif. Cette évolution a plus récemment donné naissance à des approches encore plus ouvertes, certains évoquant même la notion de stratégie ouverte, en référence à un processus démocratique, inclusif et transparent. Ainsi, la stratégie est passée d’un processus élitiste et cloisonné à une dynamique collaborative et engageante. Cette évolution traduit bien l’importance de concevoir la stratégie comme un processus inclusif afin qu’elle soit véritablement efficace et mobilisatrice. Je reviendrai sur ce point dans un article ultérieur.