Bonjour ou bon matin, dîner ou souper…Voyage au cœur des nuances linguistiques

Entre « bon matin » au Québec et « bonjour » en France, ou encore « souper » et « dîner », les différences linguistiques entre le français de France et celui du Canada témoignent d’une riche histoire culturelle et linguistique. Ces particularités, façonnées par des siècles d’évolution, des influences locales et des contextes sociaux uniques, font de la langue française un véritable kaléidoscope d’expressions. Plongez dans un voyage au cœur de ces nuances qui, loin de diviser, illustrent la beauté de la diversité francophone.
Bonjour, l’universel intouchable
En France, « bonjour » est à la langue française ce que la baguette est à la gastronomie : un classique incontournable. Que ce soit à 8h ou à 18h, il passe partout. Littéralement traduit par « bonne journée », ce mot fait fi des horaires et reste un bastion de neutralité. Comme le rappelle le linguiste Henriette Walter, dans L’aventure des mots français venus d’ailleurs (1997) : « Le français standard tend à privilégier des expressions générales qui peuvent s’appliquer à un large éventail de situations, évitant ainsi les ambiguïtés contextuelles. »
Bon matin : l’outsider québécois
Au Québec, c’est une autre histoire. Ici, « bon matin » a conquis le cœur des francophones comme le sirop d’érable conquiert leurs pancakes. Cette salutation matinale chaleureuse fait écho à l’anglais « good morning », mais en ajoutant une touche québécoise. Attention cependant : si vous lancez un « bon matin » à Paris, attendez-vous à voir des sourcils se lever. L’expression est aussi rare dans l’Hexagone qu’un Français commandant une poutine. Le sociolinguiste Claude Poirier, dans ses recherches sur le français québécois, explique : « Bon matin est le fruit d’un bilinguisme assumé au Québec, où les influences de l’anglais sont souvent intégrées avec créativité dans un cadre strictement francophone. » (Le français des Amériques, 2009).
L’origine de ces différences
Au Canada, le bilinguisme est un sport national. On imagine bien les Québécois se dire : « Puisque les anglophones ont leur ‘good morning’, pourquoi pas nous avec ‘bon matin’ ? » Résultat : une expression charmante et bien ancrée dans leur quotidien. « L’accent québécois a subi, au cours du XIXᵉ siècle, une transformation profonde qui l’a rapproché de l’accent parisien » disait Jean Denis Gendron. Par ailleurs, le français québécois a pris un chemin propre depuis le XVIIIe siècle. Les colons ont emporté dans leurs valises des mots et des usages linguistiques qui ont fleuri loin de l’Hexagone.
Le duel des repas : déjeuner, dîner, souper
Ce n’est pas qu’une question de salutation : au Québec, même les repas sont rebaptisés. Pendant que les Français dégustent leur « petit-déjeuner », les Québécois savourent leur « déjeuner ». Et alors que les premiers dînent en soirée, les seconds en sont déjà à leur « souper ». Un conseil pour éviter les quiproquos ? Amenez des snacks, on ne sait jamais.
« De rien » VS « bienvenue »…on ne plaisante pas avec la politesse au Québec
Les expressions « de rien » et « bienvenue » illustrent des différences d’usage entre le français de France et celui du Canada. En France, « de rien » est couramment utilisé pour répondre à un remerciement, signifiant que le service rendu n’était pas une gêne. Au Canada, notamment au Québec, on emploie fréquemment « bienvenue » dans le même contexte, ce qui peut surprendre les locuteurs français, pour qui « bienvenue » est principalement utilisé pour accueillir quelqu’un. Cette variation témoigne de l’évolution distincte des expressions de politesse dans les deux régions. Les Québécois vous diront souvent « Merci, bonjour ! » après un service rendu, tandis que les Français se contentent d’un sobre « Merci ». On ne plaisante pas avec la politesse au Québec. Et si vous entendez un « Tabarnak ! » dans la rue, pas de panique : c’est juste un juron coloré..
Étant riche et diverse, la langue française est, aussi, une invitation à explorer les cultures. Alors, que vous disiez « bonjour » ou « bon matin », l’important, c’est de le dire avec un sourire. Et si quelqu’un vous corrige, répondez simplement : « C’est toute une histoire ! »
Quelques pépites du français québécois :
- Il fait frette : Traduction : Il fait froid.
- Magasiner : Les Québécois ne font pas les magasins, ils « magasinent ». Et pour se déplacer, ils prennent leur « char » (voiture). Logique, non ?
- Niaiser : Ce terme signifie « faire des bêtises » ou « taquiner quelqu’un ». Il est utilisé pour décrire une action frivole ou pour se moquer gentiment. Par exemple, « Arrête de niaiser ! » peut signifier « Arrête de faire l’imbécile ».
- Chu tané : Cela signifie « je suis fatigué » ou « je suis épuisé ». C’est une manière informelle de dire qu’on est très fatigué ou agacé, selon le contexte. Par exemple, « Je suis tané de cette situation! » pourrait signifier « Je n’en peux plus de cette situation. »
- Ma blonde : Cette expression désigne « ma copine » ou « ma petite amie ». C’est un terme affectueux couramment utilisé au Québec pour parler de sa partenaire amoureuse.
- Présentement : C’est un synonyme de « actuellement » ou « en ce moment ». Il est utilisé pour parler de quelque chose qui se passe dans le présent. Par exemple, « Je suis présentement au travail » signifie « Je suis actuellement au travail ».
- Une joke : Ce terme signifie « une blague ». Il est utilisé pour désigner une histoire amusante ou une plaisanterie. Par exemple, « C’était juste une joke! » veut dire « C’était seulement une blague!
Salima Sadi