Interview: l’ambassadeur d’Algérie au Canada revient sur la coopération et les perspectives de partenariat entre les deux pays
Bien que géographiquement éloignés, l’Algérie et le Canada entretiennent des relations étroites et diversifiées depuis 60 ans. L’Algérie, riche de son histoire et de sa culture, et le Canada, reconnu pour sa diversité et son dynamisme économique, ont bâti au fil de ces longues années une relation basée sur le respect mutuel. La coopération économique demeure un domaine privilégié pour les deux pays. Son excellence l’ambassadeur d’Algérie au Canada revient sur les perspectives et les défis qui attendent les deux pays. Écoutons-le…
Vous êtes l’ambassadeur d’Algérie au Canada depuis un peu plus de 10 mois. Comment voyez-vous les relations bilatérales entre l’Algérie et le Canada ?
SE Noureddine Sidi Abed : En 2024, l’Algérie et le Canada célèbrent le 60e anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques. Ces relations ont toujours été empreintes de cordialité et de respect mutuel. Un potentiel important reste à explorer et à exploiter dans les domaines politique, économique, commercial, culturel, universitaire et recherche scientifique, judiciaire et consulaire. Ajouter à cela la dimension humaine entre les deux pays à travers la présence au Canada d’une communauté algérienne de plus de 130000 ressortissants qui représente un réel atout pour le renforcement des échanges et de la coopération entre les deux pays.
Parmi les mesures prioritaires envisageables dans cette perspective, il y a la conclusion d’accords et la concrétisation de projets dans les domaines économique, commercial et de l’investissement, la coopération scientifique et universitaire et le projet de création d’une université canadienne en Algérie.
Comment évaluez-vous la coopération économique et commerciale entre les deux pays?
L’Algérie a toujours été l’un des partenaires commerciaux les plus importants du Canada sur le continent africain. Elle représente le premier marché du continent pour les exportations canadiennes.
Les deux pays entretiennent des relations commerciales dynamiques. Toutefois, le volume actuel des échanges économiques et commerciaux entre l’Algérie et le Canada reste loin de correspondre aux potentialités existantes des marchés des deux pays.
Il y a quelques mois, une mission d’homme d’affaires algériens relevant du CREA a séjourné ici au Canada (Montréal). Un forum d’affaires algéro-canadien a été tenu et d’autres rencontres ont été aussi au menu. Pouvez-vous revenir sur cette mission?
Une importante délégation d’hommes d’affaires algériens conduite par le Conseil du renouveau économique algérien (CREA) a effectué une mission économique au Canada, début juillet 2024, dans le cadre de la célébration du soixantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Canada.
À cette occasion, de nombreuses rencontres ont eu lieu avec les institutions et les opérateurs économiques canadiens notamment la Fédération des Chambres du Commerce du Québec avec qui ils se sont accordés sur une feuille de route pour établir des liens entre les entreprises algériennes et canadiennes notamment dans les secteurs agricoles, industriels et miniers.
Le Forum économique sur le climat des affaires et les opportunités d’investissement en Algérie, organisée par le CREA, en partenariat avec le Conseil du Patronat du Québec et le Conseil de Développement économique Algérie-Canada (CDCA),a été également l’occasion de présenter aux opérateurs canadiens, le potentiel économique du marché algérien particulièrement dans les domaines des énergies renouvelables, des mines, de l’industrie pharmaceutique, de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire.
Cet évènement a été marqué par des rencontres B2B fortes et fructueuses entre les opérateurs économiques des deux pays.
Un mémorandum d’entente conclu entre le CREA et le CDCA et un prochain protocole d’accord entre le CREA et le Conseil du patronat du Québec (CPQ) vont permettre de tracer des feuilles de route communes et ce dans le but de renforcer les liens économiques et commerciaux entre les deux pays.
Cette mission économique à Montréal s’annonce comme un jalon important dans le renforcement des relations économiques algéro-canadiennes. Elle pourrait déboucher sur des partenariats concrets dans des secteurs stratégiques, contribuant ainsi à la diversification de l’économie algérienne et à l’accroissement des échanges commerciaux entre les deux pays.
Y-aura-t-il d’autres initiatives de ce genre à l’avenir?
L’Algérie qui a réalisé nombre d’acquis en matière d’amélioration du climat des affaires, aspire à voir les investisseurs canadiens contribuer à la réalisation d’un partenariat économique fructueux avec leurs homologues algériens.
La participation de l’Algérie aux manifestations économiques internationales notamment celles organisées au Canada, constituait « un outil efficace » pour la promotion des produits algériens sur les marchés étrangers permettant à nos opérateurs économiques de nouer des relations commerciales directes avec leurs homologues canadiens et connaitre les besoins du marché canadien.
Dans ce cadre, 11 exposants algériens activant dans le secteur de l’industrie agroalimentaire ont pris part à la 21ème édition du Salon International de l’Alimentation (SIAL Canada 2024) qui s’est déroulé du 15 au 17 mai 2024 au Palais des congrès de Montréal.
Il convient de citer, également, la tenue à Montréal de la 1e édition du Salon de l’immobilier Neuf Algérien au Canada (SINA Montréal 2024) qui a connu la participation de plusieurs promoteurs immobiliers algériens activant dans le secteur privé, ayant pour objectif l’information et la facilitation d’acquisition de logements au profit des membres de la communauté algérienne établie au Canada. Aussi, d’autres missions sont prévues prochainement au Canada.
Vous êtes en poste depuis un peu plus de 10 mois. Quels objectifs vous vous êtes fixés pour votre mandat en tant que premier représentant diplomatique algérien au Canada?
L’objectif est le renforcement des relations entre les deux pays dans les divers domaines d’intérêt, la prise en charge de notre communauté et son épanouissement et la promotion de l’image de l’Algérie
Quels sont, selon vous, les domaines prioritaires pour une collaboration future entre les deux pays? Et à ce jour, quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confronté dans votre rôle actuel ?
Parmi les principaux domaines prioritaires devant bénéficier d’une attention particulière et qui pourraient présenter un intérêt particulier pour les entreprises économiques canadiennes pour investir en Algérie :
- Le développement des énergies nouvelles et renouvelables, dont l’hydrogène, l’éolien et le solaire;
- l’exploration minière, notamment à travers les trois grands projets structurants lancés par l’Algérie, à savoir le mégaprojet intégré de phosphate à Tébessa, la mine de fer à Tindouf et la mine de zinc à Bejaia;
- l’expansion et la modernisation du secteur ferroviaire pour lequel le gouvernement algérien a récemment alloué une enveloppe budgétaire importante pour la construction de 6000 km de voies ferrées à travers le pays;
- la production d’eau qui pourrait attirer les investisseurs canadiens. L’Algérie a adopté un ambitieux programme de dessalement d’eau de mer et mis en œuvre un important programme de construction de nombreuses stations d’épuration des eaux usées;
- le développement du secteur agricole qui présente « une opportunité inexploitée pour les investisseurs », en particulier dans le Sud du pays où l’objectif est d’aménager 3 millions d’hectares pour des investissements à grande échelle;
Il existe également d’autres domaines prometteurs pour l’investissement en Algérie, tels que les start-ups, l’industrie pharmaceutique, les technologies de la communication et de l’information ou encore le tourisme.
Combien d’Algériens sont immatriculés au Canada?
La communauté algérienne établie au Canada est évaluée à plus de 130 000 ressortissants, basée essentiellement dans la Province du Québec, notamment à Montréal.
De par le monde, la diaspora joue un rôle essentiel dans les relations bilatérales mais surtout du côté du pays d’origine. Quel constat faites-vous de la communauté algérienne établie au Canada?
Aujourd’hui, les relations entre nos deux pays sont davantage renforcées par la présence d’une importante communauté algérienne au Canada, et qui ne cesse d’augmenter de jour en jour, pour dépasser actuellement les 130000 personnes.
Dynamique et jeune en grande majorité, notre communauté dispose de capacités d’adaptation et d’intégration impressionnantes, de même que leur niveau de qualification leur permet d’apporter une importante contribution à la société canadienne mais aussi pour leur pays d’origine.
Le rôle des membres de notre communauté s’est également illustré lors des élections présidentielles en septembre dernier et la réélection de M. Abdelmadjid Tebboune comme Président de la République. Rôle important pour aller de l’avant et consolider davantage les acquis démocratiques et la prospérité du peuple algérien. Les membres de notre chère Communauté au Canada, à l’instar de leurs ancêtres et ainés durant notre glorieuse guerre de libération, contribuent à l’édifice de l’Algérie nouvelle.
Dans cette perspective, des démarches ont été entreprises par l’Algérie pour l’ouverture prochainement d’un Centre culturel algérien à Montréal.
Des initiatives notamment culturelles sont organisées, périodiquement et à titre individuel, par des membres de la communauté algérienne au Canada. N’est-il pas nécessaire d’avoir un organisme fédérateur ou une sorte d’un centre ou maison d’Algérie, afin de venir en aide ou en soutien à ces initiatives?
La mise en place d’un cadre fédérateur est un élément essentiel pour accompagner la communauté algérienne dans l’exercice de son droit culturel et le partage du patrimoine culturel algérien.
Dans cette perspective, des démarches ont été entreprises par l’Algérie pour l’ouverture prochainement d’un Centre culturel algérien à Montréal. La décision des autorités algériennes de mette en place ce Centre, à la demande de notre Communauté, ambitionne de permettre aux membres de celle-ci de préserver des liens culturels avec l’Algérie et être rattachés à leur identité en faveur de la tolérance. Il vise également à renforcer davantage les relations de coopération et les échanges entre l’Algérie et le Canada dans les domaines culturels.
Pour lui assurer la visibilité et la durabilité, les activités du Centre se déclineront par un programme annuel d’activités et des relations de coopération et de partenariat avec les acteurs et parties prenantes concernés, publics et privés.
Combien de visas ont été octroyés par l’Algérie aux canadiens ?
Environs 3000 visas ont été délivrés au titre de l’année 2023.
Propos recueillis par Salah Ben
